samedi 29 mai 2010

Les agences de notation mettent l'Espagne sous pression

Une mauvaise nouvelle de plus pour la zone euro. L'agence de notation Fitch a décidé aujourd'hui d'abaisser d'un cran la notation de la dette espagnole. Elle estime que le plan d'austérité du gouvernement va entraver la croissance, ce qui complique encore la tâche des autorités espagnoles.

Une trop lente reprise économique

Rappelons d'abord que les agences de notation financières évaluent la fiabilité des produits financiers. Dans le cas présent, il s'agit des obligations émises par les Etats pour refinancer leur dette. Il existe trois agences internationales de notation: Fitch Ratings, Standard & Poor's et Moody's. Lorsqu'elles abaissent la notation d'un Etat, cela rend le refinancement de cet Etat plus coûteux, car plus risqués pour les investisseurs.

D'après Fitch donc, l'Espagne pourrait mettre plus de temps qu'annoncé pour sortir de la crise. L'agence estime que Madrid ne retrouvera pas aussi rapidement la croissance que ses partenaires européens. D'où la dégradation d'un cran de la note du pays. Elle passe de AAA à AA+ (précisons au passage que c'est également la note de la Belgique). Une note qui, déjà, est venue plomber les marchés d'actions américains. Wall Street a terminé en baisse hier, -1,18% pour le Dow Jones. Quant à l'euro, il est tombé à moins de 1,23 dollar.

Dette privée en cause

Mais d'où vient précisément cette inquiétude de Fitch (par ailleurs partagée par Standard & Poor's qui, le mois dernier, avait également revu à la baisse sa note pour l'Espagne)? On le sait, de nombreux pays de la zone se sont lancés dans d'ambitieux programme d'austérité (ou rigueur) budgétaire. Le but est clair, il s'agit d'équilibrer les budgets. Un outil cependant à manier avec prudence, car cette austérité freine également la croissance économique (cf. premier article de ce blog).
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Et c'est là que là que le bât blesse. Car en effet, même si Fitch juge le plan d'austérité espagnol "ambitieux" (économies de 15 milliards d'euros en 2010 et 2011, un plan justement décidé sous la pression des marchés et des partenaires européens), l'agence souligne également que les mesures d'ajustement du gouvernement vont nettement réduire le taux de croissance économique à moyen terme, et que la reprise économique sera "timide" et plus lente que celle prévue par le gouvernement espagnol.
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Bref, même si Fitch souligne les efforts de l'Espagne pour réduire les déficits publics, elle estime que les perspectives de croissances seront affectées, notamment, par la dette privée. Les déficits publics espagnols pèsent actuellement 11,2% du PIB en 2009. La dette publique devrait atteindre 66% du PIB à la fin de l'année, soit presque le double de ce qu'elle était en 2007. Quant à la dette privée, elle regroupe celle contractée par les entreprises, les banques et les ménages, dont l'endettement a doublé depuis 2000, pour atteindre 89% du PIB.
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Situation préoccupante pour la zone euro
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L'agence Fitch précise toutefois que le profl de crédit de l'Espagne reste très solide et assure que la perspective de la nouvelle note est stable. Néanmoins, le gouvernement Zapatero se serait bien passé de ce nouvel avertissement financier, à l'heure où il négocie avec difficulté une réforme de son marché du travail. Les syndicats sont à cran, la situation sociale est orageuse. De quoi inquiéter la zone euro.
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Lien intéressant:
- Les notes des différents pays européens par les trois agences de notation, sur le site du quotidien espagnol El Pais

vendredi 28 mai 2010

Automobiles: entretiens et répérations moins chers

Un des enseignements des eurobaromètres est que de nombreux citoyens regrettent de ne pas voir ce que l'Union Européenne peut concrètement faire pour eux. Pourtant, les exemples sont nombreux. C'est particulièrement le cas en matière de concurrence. La Commission européenne maintient une forte pression sur les entreprises pour que les consommateurs puissent acheter des biens aux prix les plus avantageux possibles. C'est ainsi qu'une série de mesures vient d'être adoptée pour le secteur automobile. La concurrence sera renforcée pour la réparation des voitures et la vente de pièces détachées. A l'inverse, jugeant le marché de la vente de véhicules en Europe suffisamment concurrentiel, la Commission va relâcher la pression sur les distributeurs et concessionnaires.
  • L'après-vente coûte trop cher
Avec la crise, les voitures coûtent moins cher. La Commission européenne constate effectivement qu'à partir de 2008, la chute du carnet de commande automobiles s'est traduite par une baisse "appréciable" des prix de ventes. Néanmoins, un véhicule constitue toujours un investissement important pour le consommateur. Non seulement à l'achat, mais également tout au long de la détention du véhicule. En effet, toujours d'après la Commission, les réparations et entretiens représentent 40% du coût total. Un chiffre en hausse ces dernières années.
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Mais cela devrait changer. A partir du 1er juin, les automobilistes européens pourront progressivement confier leurs réparations à des réseaux non agrées. Et cela sans perdre la garantie du constructeur. En clair, "l'automobiliste pourra faire entretenir ou réparer sa voiture où il l'entend", explique Joaquim Almunia, gardien des règles de la concurrence dans l'Union. A une exception près: les constructeurs pourront exiger que les travaux couverts par la garantie - et dont ils assument eux-même le coût - soient réalisés à l'intérieur de leur réseau. Cela concerne donc les travaux autres que ceux liès à réalisation des vidanges ou à la prestation d'autres services automobiles.
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Bref, la Commission entend surtout s'attaquer aux pratiques restrictives imposées aux consommateurs dans les contrats de garanties. Ceux-ci seront systématiquement examinés dès qu'un constructeur dispose d'une part de marché supérieure à 30%. La période de transition est prévue durer trois ans.
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Le mécanisme est donc simple. Les réparateurs indépendants pourront désormais entrer en concurrence avec les garagistes agréés, ce qui devrait avoir pour conséquence une chute des prix. D'autant que Bruxelles cherche également à ouvrir plus largement l'accès aux pièces détachées et à la documentation technique.
  • Voitures neuves: marché très concurrentiel
A l'inverse de l'après-vente, le marché de la vente de véhicules est extrêmement concurrentiel. Les marges réalisées par les constructeurs et les concessionnaires automobiles sont très étroites.
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Au vu de ce constat, il a été décidé de simplifier des règles européennes jugées "trop compliquées et restrictives". La Commission propose désormais de traiter la distribution des véhicules automobiles comme tout autre marché. C'est ainsi, par exemple, que les constructeurs disposeront de plus de latitude pour organiser leurs réseaux de vente, où coexistent des concessionnaires multimarques et des concessionnaires s'engageant pleinement à promouvoir les marques d'un seul constructeur.

jeudi 27 mai 2010

Bosnie et Albanie: voyages sans visa

Ce n'est encore qu'une proposition de la Commission, mais déjà les pays concernés parlent de "décision historique". Les citoyens Bosniaques et Albanais pourraient bientôt se rendre sans visa dans les pays de l'espace Schengen (c'est à dire les 27 pays de l'Union, sauf le Royaume-Uni et l'Irlande, et plus la Norvège la Suisse et l'Islande). Seul un passeport biométrique sera nécessaire.
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Cette proposition est le fruit de plus de deux années d'efforts dans le cadre du dialogue sur la libéralisation du régime des visas entammé avec ces deux pays au cours du premier semestre 2008. Tirana et Sarajevo, qui toutes deux sont candidates officielles à une adhésion à l'Union Européenne, se sont immédiatement félicitées de l'adoption de cette mesure. Sur la base des feuilles de route proposées par la Commission européenne, l'Albanie et la Bosnie-et-Herzégovine ont en effet réalisé des avancées significatives sur plusieurs fronts: amélioration de la sécurité des passports, renforcement des contrôles aux frontières ainsi que consolidation du cadre institutionnel pour la lutte contre la criminalité organisée et la corruption. Des progrès substantiels ont également été accomplis dans le domaine des relations extérieures et des droits fondamentaux.
  • Bémol

Néanmoins, cette ouverture reste conditionnée à une série d'exigences non encore satisfaites jusqu'ici. Car, en dépit des bons résultats enregistrés, les deux pays doivent encore progresser dans certains domaines, notamment en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé. - Sur ce point, les autorités des deux pays se montrent confiants. Le Premier ministre albanais, Sali Berisha, déclare que son pays est "déterminé à tout faire pour répondre aux exigences de l'UE" tout en précisant que l'Union exigeait notamment l'application rigoureuse d'une loi anti-mafia adoptée en janvier dernier prévoyant la mise sous séquestre des biens provenant d'activités criminelles. Quant au Premier ministre bosniaque, Nikola Spiric, il estime que la Commission européenne, par sa proposition, saluait "les efforts des autorités bosniaques pour répondre aux (critères) requis".

La proposition devra encore être approuvée par le Parlement européen et par les Etats membres, ce qui pourrait se faire sous la présidence belge cet automne, estime Cecilia Malmström, la commissaire européenne chargée des Affaires intérieures.
  • Malentendus

En décembre 2009, l'Union européenne avait déjà décidé d'abolir l'obligation de visas dans la zone Schengen pour les ressortissants serbes, monténégrins et macédoniens. En conséquence, en Belgique, les autorités ont constaté une forte augmentation des demandes d'asile de la part des citoyens de ces pays, alors qu'ils ne peuvent en bénéficier. Le plus souvent, il s'agissait d'hommes et de femmes qui donnaient une très large part de leurs économie à des agences de voyage locales, peu soucieuses du sort de leurs clients. Des cars entiers partaient destination Bruxelles.

Le problème avait pris une ampleur telle que le Premier ministre belge de l'époque, Yves Leterme, avait dû se rendre en personne dans les pays concernés afin de presser les gouvernements de mieux expliquer la signification de la suppression de visas.

mercredi 26 mai 2010

Vers une taxation des banques

Avec la crise économique et financières, de nombreux Etats ont dû se porter au chevet des banques afin d'éviter qu'elles ne tombent en faillite. Il s'agissait alors de venir au secours non pas des institutions elles-mêmes, mais des nombreux épargnants qui risquaient d'être ruiné. Depuis, l'idée d'alimenter un fonds qui servirait à financer d'éventuels futurs sauvetages fait son chemin.
  • Fonds nationaux
La plupart des Etats membres de l'Union (dont la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne) se sont opposés à la création d'un fonds européen de gestion des crises bancaires. La Commission européenne propose dès lors la mise en place de fonds nationaux, alimentés par un prélèvement national sur les banques. Une idée qui rejoint en partie celle de Dominique Strauss-Khan, le directeur général du FMI.
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Examinons plus en détail cette proposition présentée ce mercredi. Selon les termes de Michel Barnier (photo), commissaire européen chargé des services financiers, il s'agit de mettre en place un réseau européen de "fonds de résolution de défaillances bancaires". Le commissaire ajoute que cet argent permettrait d'organiser "l'assainissement et la restructuration du système bancaire en cas de crise".
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Il ne s'agira donc en aucun cas de sauver des établissements en difficulté ou de les renflouer. En effet, il faut éviter de faire croire aux banques qu'elles se payent une sorte d'"assurance risques". En réalité, ce projet ne vise pas la simple taxation des banques, son objectif principal est de s'assurer qu'une faillite bancaire soit à l'avenir gérée de manière ordonnée et que l'ensemble du système financier ne soit pas déstabilisé.
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A quoi servira précisément l'argent récolté? On peut imaginer, par exemple, qu'il sera employé au financement d'opérations de "banques relais" en cas d'assèchement du crédit, à créer des entités juridiques chargées de reprendre les actifs douteux ou encore à apporter une aide juridique et administrative aux établissements qui doivent fermer.
  • Réticences parmi les 27
Les Etats membres ainsi que le Parlement européen devront encore approuver ce dispositif, dont on ne connait pour l'instant que les grandes lignes. Mais cette approbation n'est pas pour tout de suite. Outre le fait qu'il faille encore traduire ce mécanisme en acte législatif (cela peut prendre plusieurs mois), une série obstacles risquent de se présenter. Car l'idée ne fait pas l'unanimité en Europe. La France et la Grande-Bretagne, notamment, refusent que ces nouvelles ressources soient affectées spécifiquement à un fonds de résolution des crises. Paris et Londres voudraient plutôt voir ces revenus versés au budget des Etats, puisque ceux-ci seront de toute façon sollicités en cas de quasi faillite d'une grande enseigne.
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Par contre, l'Allemagne, dont le secteur financier a été très fragilisé par la crise, se dit favorable à un tel mécanisme. D'ailleurs, Berlin envisage déjà des prélèvements de leur secteur bancaire. Il s'agit d'un fonds pouvant aller jusqu'à un milliard d'euros par an. Enfin, d'autres Etats imposent déjà des dispositions similaires. C'est le cas de la Suède, via un prélèvement de 0,036% sur le passif des banques, pour les faire participer au financement de la crise.
  • Influer le sommet du G20

Malgré ces difficultés, la Commission espère qu'un consensus sera trouvé rapidement au sein des vingt-sept. La proposition sera d'ailleurs déjà sur la table du prochain sommet qui doit se tenir le 17 juin à Bruxelles. La Commission européenne espère un consensus, afin de se présenter d'une seule voix sur le sujet et d'influencer les travaux du sommet du G20, les 26 et 27 juin à Toronto.

Car les Etats-Unis, déjà, partagent ces mêmes préoccupations. La création d'un fonds de résolution des crise bancaires y est étudié dans le cadre de la réforme du secteur financier lancé par Barack Oabama. Par contre, le Canada, hôte du G20, ainsi que les pays émergents, ne l'entendent pas de la même oreille. Ils rejettent le principe d'une taxation des banques, car ils estiment que leur système bancaire a moins subi l'impact de la crise des subprimes que celui des Etats-Unis ou de l'Union Européenne.

mardi 25 mai 2010

Modes et gouvernance - L'austérité budgétaire en question

L'Austérité Budgétaire. Pendant les semaines à venir, prononcez cette expression et vous serez quelqu'un de branché. Pas besoin d'être original, le simple fait d'énoncer ces mots magiques cristallisera l'attention de votre public.
Car c'est ainsi que ça se passe. Certains mots arrivent à voyager en première classe dans nos médias. Ils disposent alors d'un tas d'avantages: donner un ton au reste de l'actualité, faire trembler les citoyens, et surtout rythmer le quotidien de nos politiques. Attention dès lors aux effets pervers. Car un emploi excessif pourrait se traduire en politiques démesurées.
  • Le paradoxe de l'austérité
L'austérité, donc, également appelée rigueur budgétaire (pure question de sémantique). Après la Grèce, la fièvre d'adoption de plans de rigueurs s'en prend au Portugal, à l'Espagne, à la Grande-Bretagne, à l'Irlande et maintenant à l'Italie. Et la contagion à d'autres pays européens est prévisible. Une réaction à priori logique face à la crise financière et à la récession. Mais est-ce pour autant la bonne réaction? Certains en doutent, du Fond Monétaire International jusqu'à la Maison Blanche. Pour le FMI, le risque est de vouloir en faire trop. "Ce serait une erreur", estime l'économiste en chef du fonds, les marchés financiers se sont longtemps endormis sur le risque budgétaire, et face à ces réactions (trop?) fortes des Etats, ces marchés pourraient "se réveiller et s'affoler" jusqu'à créer la panique.
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Par ailleurs. ces politiques d'austérités pourraient aboutir, sans grande surprise, à l'effet inverse de celui recherché. Donnez moins d'argents aux citoyens, ils consommeront moins. La contraction du PIB est alors inévitable. Bonjour l'explosion du chômage, et donc la diminution des recettes fiscales.
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A cela s'ajoute les inquiétudes de l'équipe de Barack Obama. Celle-ci constate à son tour une "incertitude sur les perspectives de la croissance mondiale". Derrière ces mots, se cache un important problème pour les Etats-Unis. En effet, la zone Euro est le premier débouché pour les exportations des entreprises américaines. D'où les inquiétudes de voir un ralentissement de la croissance eu Europe, ajouté à une hausse du Dollar.
  • Semaines cruciales
Les mesures d'austérités et autres rigueurs budgétaires ne seraient donc pas les outils utiles à une croissance économique. Du moins, faut-il en douter sérieusement. Une alternative? La position de la Commission est claire sur le sujet. Et elle rejoint celle du président de l'Eurogroupe. Selon eux, les Etats-membres plongés dans une situation catastrophique doivent effectivement faire des efforts. Par contre, les autres devraient se concentrer sur la relance économique plutôt que sur le retour à l'équilibre. Plusieurs économistes lancent également leurs pistes de réflexion, allant d'une simple application des mesures déjà approuvées (plan de rigueur pour la Grèce, plan de soutien de la zone Euro et poursuite par la BCE du rachat d'obligations d'Etat si nécessaires), jusqu'à des propositions de sortie de l'Euro.
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Autant dire que les semaines à venir seront cruciales et qu'elles dessineront sans aucun doute le visage de l'Union Européenne de demain. Espérons que ses dirigeants ne succomberont pas aux effets de mode et autres jeux de manche au détriment d'une gouvernance intelligente et responsable.